L’évitement consiste à éviter certaines situations qui provoquent des crises de panique, une peur ou de l’anxiété intense. Cet article propose une synthèse de la manière dont l’évitement contribue à alimenter les attaques de panique et l’anxiété.
1 - Développement de l’évitement
L’évitement apparaît fréquemment à la suite de crises de panique chez les agoraphobes. Les crises, particulièrement lorsqu'elles sont inattendues, génèrent une anxiété anticipatoire qui l’alimente. L’évitement n’est toutefois pas une conséquence automatique des crises de panique et la manière dont un individu interprète et réagit à une crise joue un rôle crucial dans l'apparition ou non de comportements d’évitement.
Par exemple, certaines personnes ayant vécu des crises de panique isolées ne développent pas d’agoraphobie. Cela peut être attribué à leur capacité à relativiser la gravité de leurs symptômes, à leurs expériences antérieures de maîtrise des situations stressantes, ou encore au soutien social qu'elles reçoivent. À l'inverse, des individus ayant un biais cognitif négatif – comme une surestimation de la probabilité d'une future crise ou une incapacité perçue à y faire face – sont plus susceptibles de commencer à éviter certaines situations.
2 - Les différences individuelles dans l’évitement
Les comportements d’évitement diffèrent selon les individus. Certaines personnes évitent uniquement des situations étroitement liées à leurs crises de panique, tandis que d’autres développent un évitement généralisé, restreignant leur vie sociale, professionnelle et personnelle.
Plusieurs facteurs peuvent expliquer ces différences :
- Attentes liées à la peur : Les personnes qui croient fermement que certaines situations entraîneront une crise de panique sont plus enclines à éviter ces contextes.
- Expériences antérieures : Les expériences où un individu a réussi à faire face à la peur peuvent limiter le développement de l’évitement.
- Influences socioculturelles : Dans certaines cultures ou environnements sociaux, l’évitement peut être renforcé par la validation ou la compréhension excessive des comportements de retrait.
En outre, certaines personnes se confrontent à leurs peurs malgré leur détresse. Ces comportements d’exposition sont souvent déterminants pour limiter l’impact de l’évitement.
3 - Les mécanismes de maintien de l’évitement
Une fois établi, l’évitement peut devenir un cercle vicieux renforcé par plusieurs mécanismes.
Parmi ceux-ci figurent :
- La surévaluation du risque de panique : Les individus ont souvent une perception exagérée de la probabilité et de la gravité des crises de panique, ce qui les pousse à éviter davantage de situations.
- Les comportements et signaux de sécurité : Ces comportements, comme le fait de ne pas quitter son domicile sans un proche ou de garder des objets rassurants à portée de main, empêchent l’individu de confronter pleinement ses peurs. Les signaux, qu’ils soient physiques ou sociaux (ex: présence d’un proche, disponibilité au téléphone), renforcent la dépendance de l’individu envers des facteurs externes pour se sentir en sécurité.
- Les crises de panique inattendues : Lorsqu'une crise survient dans un contexte perçu comme sûr, elle peut renforcer l'idée qu’aucune situation n’est réellement sans danger, aggravant l’évitement.
Ces mécanismes renforcent la croyance que l’évitement est nécessaire pour éviter une panique future, alimentant ainsi le cercle vicieux.
4 - Pourquoi l’évitement tend à augmenter la peur et l’anxiété sur le long terme?
Nous allons à présent parler des deux principaux mécanismes qui expliquent le lien entre l’évitement et le maintien ou le développement de la peur et de l’anxiété. Il s’agit de l’anxiété anticipatoire et les comportements et signaux sécurisants.
Le rôle de l’anxiété anticipatoire
L’anxiété anticipatoire joue un rôle crucial dans le maintien et le développement de l’évitement. Elle correspond à l’anticipation de l’apparition d’une crise de panique. Cette anxiété est souvent déclenchée par des signaux somatiques (c’est-à-dire corporels comme une accélération du rythme cardiaque ou des vertiges) qui sont interprétés comme des signes avant-coureurs d’une panique imminente.
Ainsi, les individus adoptent des comportements d’évitement pour minimiser le risque perçu de panique. Ces comportements réduisent à court terme l’anxiété, mais à long terme, ils renforcent la peur des situations évitées et empêchent l’apprentissage que ces contextes sont souvent sans danger.
Le rôle des comportements et signaux sécurisants
Les comportements sécurisants, bien qu’ils procurent un soulagement immédiat de l’anxiété, renforcent souvent des croyances erronées et maintiennent l’agoraphobie à long terme.
Ces comportements incluent, par exemple, le fait de rester près de structures physiques comme des bâtiments ou des rampes pour se sentir soutenu, particulièrement chez ceux qui craignent de tomber. D’autres pratiques courantes comprennent le maintien d'une prise ferme sur le volant par peur de perdre le contrôle, ou encore la recherche compulsive des issues de secours dans des espaces publics comme des centres commerciaux ou des boîtes de nuit, renforçant l’idée fausse qu’une issue est toujours nécessaire pour éviter un danger potentiel.
Ces actions alimentent la perception que la situation est dangereuse, même lorsqu’elle ne l’est pas. Par exemple, des distractions comme regarder ailleurs, fermer les yeux dans un ascenseur, ou jouer à des jeux mentaux pour éviter de penser à une crise de panique ne font qu’éloigner l’individu de l’exposition réelle à ses peurs.
À long terme, ces stratégies empêchent d’apprendre que les situations redoutées sont en réalité sûres, retardant ainsi le progrès thérapeutique. Ainsi, un objectif clé pour surmonter l’agoraphobie est d’éliminer progressivement ces comportements sécurisants tout en favorisant une approche plus objective et consciente face aux situations anxiogènes.
5 - Implications thérapeutiques
Le lien entre l’évitement et l’entretien de la peur et de l’anxiété ainsi que les mécanismes de maintien de l’évitement a des implications importantes pour le traitement du trouble panique et de l’agoraphobie. Les approches thérapeutiques efficaces doivent réussir à :
- Réduire l’anxiété anticipatoire : Les techniques de relaxation, la thérapie cognitive pour recadrer les pensées négatives, et la pleine conscience peuvent aider à réduire cette anxiété.
- Exposer sans comportements ni signaux sécurisant: Encourager les patients à confronter les situations qu’ils évitent, sans recourir à des comportements sécurisant.
- Changer des croyances dysfonctionnelles : Les interventions cognitives visant à corriger les biais de pensée, comme la surestimation du danger ou la sous-estimation de leurs capacités d’adaptation, sont cruciales.
- Aider à gérer des signaux somatiques : Apprendre aux patients à interpréter de manière neutre les signaux corporels liés à l’anxiété pour réduire l'activation de l’anxiété anticipatoire.
Sources
Barlow, D. H., & Craske, M. G. (2022). Mastery of your anxiety and panic. Oxford University Press.
Craske, M. G., & Barlow, D. H. (1988). A review of the relationship between panic and avoidance. Clinical Psychology Review, 8(6), 667-685.